lundi 21 mai 2007

Hell's kitchen



Dans le couloir où nous discutions souvent, j’ai passé mes doigts dans les interstices de la pierre. Il y a de nouveaux trous, tu sais, de ceux que laissent des silhouettes fuyantes, comme un dommage collatéral.
Le couloir sent l’urine. Il n’y aura bientôt plus de cigarette dans la petite rigole qui serpente jusqu’à la gille des eaux usées.
J’aimais regarder tes pieds, comme tes pantalons toujours trop longs léchaient la dalle malpropre de ce couloir.
Quand tu ne parlais plus, des voix lointaines et confuses venaient mourir à nos pieds. Parfois, tu souriais car tu savais qui hurlait ainsi des insanités tout justes bonnes à finir aux toilettes.
Mais j’étais seule aussi, le temps que tu ailles remplir ton verre, et que quelques filles pompettes s’essuient l’œil sur ton dos, tes cheveux, ta nuque toujours nue.
Et les conversations qui n’en finissaient pas. A croire que la moindre âme installée au bar, dans la touffeur où on ne distingue plus rien, avait quelque chose à te dire.
Je t’ai attendu.
Tu revenais, bien sûr. Le couloir, ce passage obligé.

Les filles à leur tour, passant devant moi sans un mot sans un regard.

Un jour, le bar a fermé. Moi je suis restée. Le couloir a été repeint en beige, une moquette profonde tient la sueur et l’urine à des années lumières des grands soirs. Et moi, le dos brisé, je nettoie la souillure qui n’est plus faite de bière ou de vin bon marché, mais de café instantané et de plateaux-repas conditionnés.

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